
Cet été, j’avais soigneusement évité les dernières pages de Libé, qui reprenait en feuilleton « la Position du tireur couché », adaptation du roman de Manchette par Tardi. Et je m’en félicite, car ce petit chef d’oeuvre doit se lire d’une seule traite, comme on prend un coup de poing dans le ventre. Car on est dans le registre plus efficace tu meurs qui est l’une des qualités des meilleures Manchette, et on est loin devant le pourtant efficace « Princesse du sang » de Cabanes et du fils Manchette. Mais ce n’est pas la première fois que Tardi fait mouche avec des romanciers (Daniel Pennac, Léo Malet) dont le fameux Griffu, déjà avec Manchette.
Le scénario peut paraître classique : un tueur à gages efficace veut quitter l’organisation. Martin Terrier, originaire d’un village quelconque où l’on s’ennuie, promet à sa jeune amoureuse Alice de revenir les poches pleines dans dix ans et de l’emmener avec lui. La suite est moins romantique : l’armée, puis l’assassin rémunéré, et au bout de dix ans on solde les comptes. Évidemment l’organisation ne l’entend pas de cette oreille et Martin Terrier apprend vite qu’elle sait tout de lui et surtout où et quand frapper impitoyablement son entourage et les arrières qu’il pensait assurés malgré sa prudence.
Classique, sauf que Tardi reprend les dialogues qui font mouche, sans tergiverser, va à l’essentiel dans la narration, sans laisser aucun répit. Plus on avance, plus ça disjoncte de toutes parts, sans pourtant aucune invraisemblance, juste un gros brin de désespoir. Du pur Manchette, que Tardi est pour l’instant le seul à interpréter de cette façon par son dessin. Sans doute le polar-BD de l’année.
|