
Décidément, la Terre de Feu engendre des états d’âmes autant étranges que délirants, qu’il s’agisse de la BD éponyme de Micol, ou cette adaptation du roman d’Anne-Laure Bondoux par Thierry Murat. Ces contrées battues par le vent et rarement ensoleillées semblent propices à une mélancolie fantastique mêlées à Jack London. Bref, malgré quelques beaux assassinats, on trouvera ici davantage la poésie que d’action.
Paolo et ses parents habitent une misérable bicoque au bout du bout du monde, la dernière probablement « avant le sud extrême du Chili où la côte fait de la dentelle dans les eaux froides du Pacifique ». N’y passent que des étrangers, voyageurs ou géologues qui viennent toquer à la porte pour tenir une brève conversation avant de repartir dans le monde. Sauf le jour où arrive Angel, l’un des pires criminels qui soit, une brute qui a vite fait de trucider le couple avec son couteau, mais qui butte sur Paolo car il n’a encore jamais tué d’enfant, et il se résigne à s’installer avec lui. Une sorte de seconde naissance pour Paolo, qui s’ennuyait sans le savoir avant l’apparition du tueur, et peu à peu s’instaure un dialogue feutré, presque muet entre les deux, chacun sauvage à sa manière. Jusqu’au jour où immisce un troisième personnage, Luis, riche fils de bonne famille qui décide de poser sa valise près d’eux.
Thierry Murat a réussi par de grands dessins à transcrire en BD des échanges impalpables et des ambiances insensées. Un trait épais qui rappelle celui d’Edmond Baudoin, encadré de couleurs sobres et cohérentes. Les paysages dominent par leur vide apparent, et les scènes ne sont parfois que des ombres. Un autre monde.
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