
La ligne éditoriale de Futuropolis permet une belle liberté à des auteurs plus ou moins jeunes, sortes de cartes blanches étonnantes qui ne sont pas si fréquentes dans des maisons qui ont pignon sur rue. Fred Pontarolo n’est pas un auteur né de la dernière pluie (il a son actif « Naciré et les machines » chez Casterman, « Acarus » chez Glénat, « James Dieu » déjà chez Futuropolis) et pourtant il conçoit avec « Le Serpent d’Hippocrate », une oeuvre autant originale par son thème que par son graphisme.
On va passer très vite sur le scénario puisque la moindre révélation gâcherait le plaisir de la lecture. Un médecin de campagne, époux et père de famille, craque pour l’une de ses patientes, mariée à un militaire. Le soldat bourlingue dans diverses missions aux quatre coins du globe, et quand il rentre au pays, elle dit qu’il la frappe, qu’il la viole, et des dessins de sa fillette montrent une vie de famille pour le moins tourmentée. Le médecin craque pour cette femme qui devient sa maîtresse, mais comment l’aider? En tuant le mari?
Il y a des images de cauchemar, des silhouettes épouvantables qui apparaissent ici et là, d’étranges nuages noirs qui ne sont que des visages aimés ou haïs. Hormis les dessins d’enfant, que l’auteur a confié Dorothée Jost (1), on a sous les yeux du gris et du sépia qui n’annoncent pas l’optimisme. Fred Pontarolo y ajoute une façon très particulière d’esquisser des visages très angulaires, comme si la moindre rondeur était évacuée, et quand parfois les amants se retrouvent, c’est l’aquarelle qui dégouline en bas de page. Un album déroutant, qui nous met quelques claques dans la figure, révèle jusqu’au bout des surprises, et jusqu’au bout aussi une belle maîtrise.
(1) Son blog mérite le détour, avec des photos très intéressantes (dont un travail à partir des insectes) : http://dorotheejost.canalblog.com/ Cela ne doit pas nous faire oublier le site de l'auteur : http://fredpontarolo.canalblog.com
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