
"Les fantômes de Hanoï", de Gérald Gorridge. Casterman.
Carnet de bord, chronique urbaine, carnet de voyage.. Gorridge mêle le tout pour décrire un Viet-Nam qu'il connaît bien et qui lui est très personnel (il y a animé des ateliers de dessins et a également collaboré au collectif Delcourt "les Enfants du Nil"). Bref, le bonhomme sait de quoi il dessine, sauf cette phrase péremptoire : "Dans votre tête ne laissez pas s'insinuer Ha Nôi, elle ne vous lâcherait pas.."
L'auteur se met en scène avec Big Brother à l'appui sous la forme de haut-parleurs qui savent tout de vous et vous interpelle à chaque carrefour. Comme quoi le Vietnam aurait de forts relents totalitaires alors que le pays s'ouvre au tourisme.
Mais Gorridger s'en tape. "Je préfère flirter avec Hanoï (vous noterez au passage les différentes orthographes de la ville asiatique), fille du quotidien, un peu décoiffée". Donc peu de monuments officiels, d'ailleurs bien gardés, mais une entrée en douceur dans un labyrinthe relié par un pont mythique. On rencontre Hop, une vielle amie viet d'une rare élégance, mais les ex-colonisateurs et les ex-exploités se crêpent encore le chignon, mais Hop a encore les mots durs : "Bah ! on se ressemblera tous bientôt dans la mondialisation", ajoutant perfide mais lucide : "je ne suis pas prête à te ressembler."
Ha Nôi signifie "la ville en dehors du fleuve."
A ce fleuron en grande partie autobiographique le dessin adorable de Gérald Gorridge se prolonge d'une vingtaine de "pages fantomatiques", certaines très tramées pour les paysages, d'autres pleines de finesse pour des portraits. On a tous une perte : celle ne n'avoir jamais senti le parfum de Uyên, l'une des égéries de l'album. Qu'elle est belle.
|