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L'épinard de Yukiko de Frédéric Boilet
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3 critiques
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Par :
Slave
  
(11 janv. 2002)
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Très bel album. Même si je suis moins enthousiaste qu'ArzaK qui le met au pinacle. Je le conseillerai aux lecteurs exigants. Boilet est un dessinateur au style original. Et la véritable originalité est une arme à double tranchant, encensé par les uns on est vite incompris par les autres. Essayez cet album qui m'a mis du baume au coeur et de la jouissante mélancolie dans l'âme.
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Par :
ArzaK
   
(09 déc. 2001)
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Frédéric Boilet joue cavalier dans cet album autobiographique publié à la fois au Japon et en France. Il nous y raconte l’aventure amoureuse qui naquît entre lui et une jeune japonaise du nom de Yukiko. Ce qui fait d’emblée l’originalité de cet album, c’est son traitement graphique : entre photographie et dessin. Boilet ne travaille plus seulement à l’encre de chine comme c’était le cas dans « Love hotel » (très bel album publié avec Peeters chez Casterman, il y a quelques années d’ici), les images de cet album qui joue sur une gamme très riche de différents gris, ont plus de chair, plus de vie et plus de relief. L’auteur semble avoir pleinement trouvé son style.
C’est ensuite l’histoire qui nous est contée qui surprend par la manière dont elle arrive à transfigurer une réalité somme toute banale (un garçon qui tombe amoureux d’une jeune fille, c’est assez commun). Mais la force de son récit est d’abord dans la liberté de ton que l’auteur a choisi ; Boilet refuse dans cet album toute dramaturgie classique mais juxtapose d’une manière résolument moderne, des instants immobiles, des petites tranches de vies. Cette liberté de ton fait penser à la « nouvelle vague » française, on pense aux premiers films de Truffaut et de Godard. Influences que Boilet revendique expressément dans cet album lorsqu’on l’y voit visiter une exposition japonaise consacrée à la Nouvelle vague. C’est une aventure à la fois exotique et immobile dans lequel Boilet nous fait partager de manière admirable le sentiment amoureux qui est le sien.
En lisant cet album j’ai repensé également au film « La femme défendue » de P. Harel qui racontait une histoire d’amour en caméra subjective (Boilet l’utilise abondamment mais pas de manière aussi systématique). Mais cette bd réussit là où ce film , malgré certaines qualités, tombait dans une certaine platitude. Ici l’on partage réellement l’émoi du personnage principal. Ce qui me fait également préférer ce « manga » à ce film, c’est la manière dont son scénario est parsemé de métaphores très subtilement introduites dans le récit : je pense par exemple à ce tapis roulant parlant tel qu’il en existe au japon. Une voix prononce en permanence : « Bientôt…Attention… Tapis….Attention à vos pieds… Bientôt , c’est la fin du tapis… ». Boilet utilise cet « objet » comme métaphore du sentiment amoureux : poussé par des ailes, il éprouve une sensation d’allégresse, de légèreté, de flottement…. mais bientôt la fin du tapis, la rupture, le ramènera à la réalité. Je recommande cet album à tout ceux qui aime les mangas qui s’intéressent à la vie quotidienne (les œuvres de Taniguchi, entre autres) et les amateurs de bd indépendantes européennes. Je pense que cet album, sensible et attachant, à la croisée des chemins et des traditions européennes et japonaises, pourrait faire école et devenir une œuvre marquante du 9e art, en tout cas, il est en bonne place dans ma bibliothèque.
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Par :
Thierry Bellefroid
(21 oct. 2001)
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« L'épinard de Yukiko », par Frédéric Boilet. Chez Ego Comme X.
Dans un « manifeste de la Nouvelle Manga » envoyé en guise de communiqué de presse par l'éditeur, Frédéric Boilet explique sa vision de la BD japonaise et raconte comment son travail, publié au Japon avant d'être traduit en France, est perçu là-bas. Il tord le cou à quelques idées reçues qui ont la peau dure. Boilet parle de « la » manga. Il insiste sur le féminin qui est la véritable traduction, par opposition « au » manga, terme masculin qui évoque chez nous des BD violentes ou pornographiques pour adolescents. Et il relève le fait que la manga appréciée par le plus grand nombre au Japon est celle qui raconte le quotidien. Ainsi, les Japonais apprécient d'abord des histoires et non un graphisme. Le dessin n'est pas au centre de leur culture BD : c'est le récit, la narration. Et à la manière du cinéma français, ils aiment la BD française actuelle qui raconte la vie quotidienne. C'est ce qu'on peut appeler de la nouvelle manga et c'est ce que fait Boilet. Avec brio !
« L'épinard de Yukiko » est un livre remarquable. Long, il nous plonge dans l'univers japonais de ce Français en nous permettant tantôt de jeter un oeil sur ses carnets de notes et de croquis, tantôt de suivre sa reconstruction du réel en jouant la caméra subjective. Très influencé par les techniques du cinéma et de la photo, Boilet nous propose une BD inventive, personnelle, où l'émotion réussit à affleurer en dépit d'apparences parfois très lisses. Cette très jolie histoire d'amour racontée au jour le jour, c'est aussi une réflexion sur la narration elle-même. Boilet joue de la mise en abîme, tente de revivre certaines scènes plusieurs fois, presque à la manière du refrain, installe un rythme tout à lui. Cette sorte de lenteur intérieure qui correspond finalement aux vagabondages de l'esprit amoureux est magnifiquement rapportée. Le lecteur, quelque part spectateur et quelque part acteur, se laisse emporter et assiste à quelques très beaux moments pourtant presque anodins. C'est la force de ce récit. Avec humour et légèreté, il transcende le quotidien pour en offrir l'essence.
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