
"Dix de der" de Didier Comès. Casterman.
Pour ce dernier Comès, on reste dans les Ardennes belges, son lieu de prédilection et son décor préféré, mais c'est la première fois qu'il aborde le thème de la guerre, bien que le fantastique soit toujours très présent.
L'histoire se joue lors de la contre-offensive des Allemands en décembre 1944, avec un trait noir et blanc strictement rigoureux mais qu'il sait parfaitement décliner en pointillisme comme pour les scènes de neige.
Comme d'habitude donc le réalisme ne fait pas toujours la loi et un pauvre troufion, "le bleu", se trouve à creuser sa petite tranchée au pied d'un calvaire. Mais il s'aperçoit vite que son trou est déjà habité par trois fantômes qui passent leur temps à jouer à la belote, désespérant de trouver un quatrième. On voit ainsi apparaître un crâne borgne, un uniforme prussien vide de tout corps, quant au Christ crucifié sur la croix, il profite de sa position supérieure pour tricher.
Et voilà que nos trois spectres, un peu pochtrons sur les bords, se prennent d'affection pour "le bleu", de même que deux autres fantômes qui vont et viennent, "le Curé" et "le Sacristain", autrement dit deux corbeaux péteurs à leurs heures. La chatte Arsouille vient également délivrer ses messages prémonitoires cependant que les hommes sont hachés par les mitrailleuses : la nuit de Noël ne sera pas une trêve, malgré le petit sapin envoyé par sa mère au GI américain, alors que les Ardennes en regorgent. C'est l'art de Comès de mêler l'humour avec l'horreur de la guerre dans une région qui a été particulièrement dévastée. Et l'un des corbeaux fantômes de demander à son compère : "Et Dieu dans tout ça ?". "Qui ?" répond l'autre.
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